Simplification de la fiche de paie des salariés : Une réforme aux oubliettes ?
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Fin avril, Bruno Le Maire présentait son projet de la vie économique en Conseil des Ministres. Parmi ces propositions figure la simplification du bulletin de paie. Le ministre de l’économie souhaite rendre le bulletin de salaire plus lisible en réduisant considérablement son nombre de lignes.
En effet, d’après le futur ex-Ministre de l’Économie, de plus de cinquante lignes, la fiche de paie passerait à une quinzaine de lignes.
Or, qu’il s’agisse de la réaction des patrons ou des critiques émises par les sénateurs, le bien-fondé de ce nouveau projet de simplification ne semble pas particulièrement démontré. L’idée peine à convaincre.
Qu’en est-il de la situation ? Pourquoi ce nouveau projet de simplification du bulletin de salaire porté par Bruno le Maire peine à emporter l’adhésion ?
1- Fiche de paie : de la simplification à la complexification
De la simplification du bulletin de salaire …
La simplification du bulletin de paie n’est pas une idée neuve.
En 2013 déjà, un vaste programme de simplification a été lancé.
Objectif : fluidifier les relations entre les entreprises et les administrations afin de réduire les charges administratives et sécuriser l’environnement juridique des entreprises.
Au 1er janvier 2018, la fiche de paie simplifiée, ou bulletin clarifié, a été mis en œuvre.
Le travail portait sur la forme puisque le visuel du bulletin de salaire a été épuré pour plus de clarté.
De plus, les modifications devaient faire apparaître les simplifications apportées. Par exemple, le salaire brut en net était mis en évidence tandis que le nombre de lignes avaient été fortement réduites par le regroupement ou la suppression pure et simple de rubriques.
Ensuite, au 1er janvier 2019, les régimes Agirc et Arrco de retraite complémentaire ayant fusionné, les tranches de rémunération soumises à cotisation ont été réduites à deux. Cette mesure s’est traduite par l’harmonisation des bulletins de salaire cadres et non cadres.
… à de nouvelles complexifications.
Or, dans le même temps, de nouvelles lignes sont apparues. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale 2018 a supprimé les cotisations chômage salariale ainsi que les cotisations salariales d’assurance maladie.
Cependant, pour que les salariés perçoivent bien ainsi l’économie réalisée suite à cette mesure, une nouvelle rubrique est apparue : « dont évolution de la rémunération liée à la suppression des cotisations chômage et maladie ».
À peine avait-on simplifié le bulletin de salaire que l’on ajoutait une ligne supplémentaire !
L’état a fait des entreprises les collectrices de l’impôt sur le revenu. Cela a entraîné des coûts considérables.
Et ce n’était pas terminé puisqu’en janvier 2019, le prélèvement à la source a été mis en place.
L’état a fait des entreprises les collectrices de l’impôt sur le revenu. Cela a entraîné des coûts considérables pour les entreprises qui ont dû mettre à jour leurs systèmes, en plus des risques supplémentaires en cas d’erreurs. Et sur le bulletin de paie, ce sont plusieurs nouvelles rubriques qui ont fait leur apparition comme le “Net à payer AVANT impôt sur le revenu” ou le montant de l’impôt sur le revenu prélevé à la source. La DSN a permis de simplifier les déclarations sociales, mais le bulletin de salaire reste complexe à produire pour les entreprises et difficile à comprendre pour les salariés.
Mais ce n‘était toujours pas terminé !
Au 1er juillet 2023, est apparu sur le bulletin de paie, une nouvelle rubrique obligatoire : le montant net social.
Ce « montant net social » correspond aux revenus que les bénéficiaires de certaines prestations sociales doivent déclarer pour le calcul de leurs prestations.
En ce sens, il s’agit d’une simplification pour les usagers. Cependant, cela reste une rubrique de plus, obligatoire pour tous les salariés, y compris ceux qui ne perçoivent aucune prestation sociale.
Encore une fois, la mise en place de cette rubrique supplémentaire a engendré des frais pour les entreprises à l’instar de Tableau Déco qui a dû revoir ses budgets en la matière.
Chaque nouvelle évolution du bulletin de paie coûte aux entreprises et ajoute un risque d’erreur.
Ce n’est jamais anodin.
2- Le nouveau projet de simplification du bulletin de salaire
Le ministre de l’économie Bruno Le Maire et la Ministre déléguée aux Entreprises Olivia Grégoire ont présenté un projet de loi visant à dynamiser l’économie en procédant à divers allègements de procédures administratives pour les entreprises.
Parmi ces propositions, l’article 7 du projet de loi prévoit un nouveau futur bulletin de salaire simplifié. Le nombre de lignes devraient passer à une quinzaine seulement, mettant en avant essentiellement le coût total employeur et le net à payer au salarié.
Pourquoi cette nouvelle simplification n’est qu’une fausse bonne idée ?
La simplification du bulletin de salaire présenté par le gouvernement dans son projet de loi de simplification de la vie économique a soulevé des critiques de la part des sénateurs. Nombre d’entre eux pointent son caractère encore plus complexe que l’existant.
Côté patron, l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous non plus.
Une nouvelle évolution du bulletin de paie, c’est une nouvelle mise à jour des logiciels de paie, et donc, encore des frais.
De plus, pour que les salariés puissent quand même comprendre leurs bulletins de paie, Bruno Le Maire a indiqué qu’une annexe détaillée serait tenue à la disposition des salariés qui en feraient la demande … ce qui est déjà le cas aujourd’hui.
Ainsi, même si les fiches de paies sont extrêmement simplifiées, les employeurs devront continuer de produire un document détaillé pour répondre aux demandes d’explications des salariés. Ce qui fait toujours deux documents au lieu d’un seul.
Certains employeurs estiment que de devoir continuer de collecter et de tenir à disposition chaque mois l’ensemble des informations ne constitue pas réellement une simplification.
Puis, si les employeurs doivent tenir cette annexe détaillée, c’est sans doute que les salariés pourraient bien manquer d’informations sur la fiche de paie simplifiée … Or, n’est-ce pas une meilleure compréhension de ses éléments de paie qui devrait être visée plutôt qu’une réduction drastique du nombre de lignes ?
A ces objections, Bruno Le Maire a répondu que : “L’objectif est que ces feuilles de paie ne soient plus remplies par l’entrepreneur“.
Le détail des informations devrait figurer dans le portail national des droits sociaux. C’est l’administration qui tiendra l’annexe détaillée à disposition des salariés, et non plus l’entreprise
Les salariés préfèrent s’adresser à leurs employeurs en cas de difficulté à comprendre leur paie, plutôt qu’à l’administration.
Problème, il ne sera pas mis en place avant 2027. En outre, il y a fort à parier que les salariés préfèrent s’adresser à leurs employeurs en cas de difficulté à comprendre leur paie, plutôt qu’à l’administration. Sans compter le risque que l’administration soit moins réactive que les employeurs eux-mêmes.
Enfin, en dépit de toutes les mesures de simplification, le Conseil d’État juge toujours trop complexe le bulletin de salaire.
Pour certains observateurs, le problème ne réside pas tant dans la complexité de la fiche de paie qui comporterait trop de lignes que dans la complexité du droit du travail en lui-même.
C’est donc la paie qui devrait être simplifiée et non pas le document récapitulatif de celle-ci.
Quid du bulletin rénové ?
De plus, une nouvelle réforme de la présentation du bulletin de paie, le bulletin rénové, devait entrer en vigueur en 2025. Quid de cette nouvelle évolution ?
Pour rappel, le nouveau bulletin de paie rénové devait :
- Distinguer les cotisations sociales obligatoires commune aux salariés et les cotisations à des régimes facultatifs ;
- Harmoniser l’affichage de certains avantages, remboursements ou déductions ;
- Supprimer deux informations précédemment introduites :
> « Évolution de la rémunération liée à la suppression des cotisations chômage et maladie » figurant après le net à payer avant impôt ;
> « Allègement de cotisations employeurs » figurant en bas de bulletin.
Compte tenu de l’actualité politique dans le pays, cette réforme va-t-elle finir aux oubliettes ?