Sciences Po Paris : Les recruteurs inquiets suite à des manifestations et aux positions parfois dogmatiques des élèves

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Sciences Po Paris, qui forme les élites de la République, fait aujourd'hui l'objet de critiques croissantes sur le marché de l'emploi.

Sciences Po Paris : Les recruteurs s’inquiètent de la dévalorisation de l’école

Sciences Po Paris, qui forme les élites de la République depuis plus de 150 ans, fait aujourd’hui l’objet de critiques croissantes, particulièrement sur le marché de l’emploi.

Si l’école Parisienne a toujours été perçue comme un gage de qualité, son diplôme semble désormais perdre de sa valeur, en particulier dans le secteur privé.

Que pensent réellement les recruteurs de cette situation ?
Loin de l’image d’excellence qu’elle véhiculait, Sciences Po Paris est-elle en perte de prestige ?

Les témoignages recueillis par Décideurs-Magazine laissent entendre que les professionnels sont de plus en plus réservés vis-à-vis des jeunes diplômés de l’établissement Parisien autrefois prisé.

L’école est devenue synonyme de tensions internes et d’une gestion de plus en plus critiquée

Un prestige en déclin ?

Pour certains, Sciences Po reste un symbole d’excellence intellectuelle et de diversité sociale. Mais pour d’autres, l’école est devenue synonyme de tensions internes et d’une gestion de plus en plus critiquée.
Les recruteurs sont partagés : l’établissement forme-t-il encore l’élite ou son diplôme est-il en train de perdre de sa valeur dans le monde du travail ?

Certains professionnels soulignent une diminution de l’attrait pour le diplôme de Sciences Po, un phénomène qui s’est intensifié au cours des cinq dernières années.

Par le passé, un CV issu de cette école était un atout indiscutable.
Aujourd’hui, la situation semble avoir changé.

Un signe de dévalorisation : des formations moins prestigieuses prennent l’avantage

Thomas, dirigeant d’une entreprise spécialisée dans la communication, se souvient du temps où un diplôme de Sciences Po était synonyme de compétence :

« À mes débuts, un diplômé de Sciences Po était au sommet de la hiérarchie intellectuelle, et les CV en provenance de cette école étaient toujours placés en priorité. Aujourd’hui, dans mon domaine, Sciences Po est devenu l’une des nombreuses formations possibles. » Il n’est pas le seul à avoir fait ce constat.

Herschel, recruteur dans un grand cabinet de recrutement, abonde dans ce sens : « Les grands groupes sont de moins en moins enthousiastes à l’idée de recruter un Sciences Po, surtout pour des postes juniors. À présent, une école de commerce est souvent préférée. »

Françoise, chasseuse de têtes, note qu’il y a de plus en plus de jeunes diplômés de Sciences Po qui, selon elle, « ne font plus la différence ». Si la baisse de prestige touche certains domaines, comme la communication institutionnelle ou la direction de cabinet, il n’en est pas de même dans tous les secteurs. Cependant, pour beaucoup, un diplôme de Sciences Po n’est plus un gage de compétence ou de talent exceptionnel.

Des compétences de base en chute libre

Un des reproches fréquemment formulés par les recruteurs concerne la dégradation des compétences de base des diplômés de l’école. Dans des secteurs où la rigueur intellectuelle est essentielle, les nouvelles générations d’élèves semblent moins préparées.

« L’une des premières choses que j’ai remarquées dans les entretiens avec des diplômés de Sciences Po, c’est l’absence de logique, de rigueur académique, et de culture générale », souligne Brice, un cadre dirigeant dans une organisation professionnelle.

« Une diplômée de Sciences Po a récemment rendu un texte truffé de fautes de syntaxe et d’orthographe, un fait qui aurait été impensable il y a quelques années », renchérit Françoise.

Cette perte de niveau sur des compétences de base s’accompagne d’une autre inquiétude : la méconnaissance des enjeux du secteur privé et de l’économie de marché.

L’évolution des profils : une homogénéisation inquiétante

Autre critique récurrente, la transformation des profils des étudiants de Sciences Po.

Historiquement, l’école était perçue comme une institution formant des individus ouverts d’esprit, capables de s’adapter à des contextes divers et complexes.

Aujourd’hui, certains recruteurs déplorent une uniformisation des parcours.

Flora, recruteuse dans le secteur technologique, constate que l’ouverture d’esprit, jadis la grande force des diplômés de Sciences Po, a laissé place à des profils plus rigides, parfois dogmatiques :

« Ils ne savent plus remettre en question leurs certitudes, et cela nuit gravement à leur capacité à évoluer dans un environnement qui exige flexibilité et pensée critique. »

Cette critique est également partagée par Raphaëlle, une dirigeante dans une grande entreprise, qui a fait l’expérience de ce manque d’agilité dans son domaine :

« J’ai l’impression de discuter avec des gens qui n’ont pas appris à débattre avec des points de vue différents. L’émotivité remplace souvent la logique, et l’ouverture d’esprit se fait rare ».

Le changement de culture à Sciences Po : un ADN en crise

Historiquement, Sciences Po était perçue comme une école capable de former des individus dotés d’une grande agilité intellectuelle, prêts à assumer des rôles de responsabilité intellectuelle.

Mais cet ADN, qui faisait la force de l’école, semble aujourd’hui en perte de vitesse. L’ouverture, la diversité des idées et l’adaptabilité étaient des valeurs centrales, mais elles semblent s’effriter.

Les recruteurs s’inquiètent désormais de l’absence de profils capables de s’adapter à un monde de plus en plus complexe et interconnecté.

Un espoir ténu : une sélection plus exigeante ?

Bien que le constat soit globalement préoccupant, certains estiment que la situation n’est pas irréversible.

Brice, par exemple, précise que, malgré la baisse générale du niveau, Sciences Po reste une école qui offre des profils globalement meilleurs que la moyenne nationale, en raison de la crise du système éducatif français.

Françoise, de son côté, note que 30 % des diplômés de Sciences Po restent « de très haute volée », notamment dans des domaines comme le droit public et la finance.

Un autre point positif soulevé par plusieurs recruteurs est l’ouverture de l’école à des profils issus de milieux plus modestes. Raphaëlle remarque que ces élèves, loin d’être moins performants, affichent souvent une grande détermination et une volonté de réussir.

Le spectre des manifestations et des divisions internes

Un autre sujet préoccupant pour les recruteurs est l’impact des manifestations récentes au sein de Sciences Po Pris, notamment les rassemblements pro-Palestine.

Si ces événements ont fait la une des médias, leur impact sur l’image de l’école n’est pas encore mesurable.

Cependant, plusieurs recruteurs craignent que cela puisse nuire à la réputation de l’institution, en particulier parmi ceux qui y voient un risque de polarisation excessive. Les tensions internes, qui se sont amplifiées ces derniers mois, pourraient en effet affecter l’attrait de l’école pour les employeurs.

Une réforme nécessaire ?

En somme, bien que le diplôme de Sciences Po continue d’attirer certains recruteurs, il semble de moins en moins synonyme d’excellence.

Si l’école ne prend pas des mesures pour répondre aux critiques qui lui sont adressées, notamment en rétablissant une sélection plus rigoureuse et en cultivant la diversité des idées, l’avenir pourrait être plus difficile pour ses diplômés. Le changement de direction, avec Luis Vassy, laisse espérer une révision de certaines pratiques, mais les résultats ne seront visibles que dans les années à venir.

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    François NORMAND

    François est un journaliste-rédacteur aguerri aux chiffres et aux sujets économiques.

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