Julien Bainvel : Nantes a besoin d’une politique plus pragmatique et moins dogmatique
- Nantes
- Politique


Dans un contexte où la mobilité urbaine et l’attractivité économique sont au cœur des préoccupations des Nantais, Julien Bainvel, figure de l’opposition municipale, livre son analyse sur les défis auxquels fait face la métropole nantaise. Entre travaux contestés, problèmes de circulation et difficultés commerciales, l’élu propose une vision alternative pour la ville.
Un parcours au service de l’action publique
Nantais de naissance et de cœur, Julien Bainvel, tout juste 45 ans, a construit son parcours professionnel autour de l’engagement politique. Après des études de droit à Nantes couronnées par un master en droit public, il a poursuivi sa formation à l’Institut supérieur de management public et politique (ISMAPP) à Paris. Son expérience professionnelle s’est forgée dans les cabinets ministériels entre 2003 et 2007, d’abord au secrétariat d’État à la lutte contre la précarité et l’exclusion, puis au ministère de l’Écologie sous la présidence de Jacques Chirac.
“C’était absolument génial comme période puisque c’était hyper intense et en même temps j’ai appris plein de choses”, confie-t-il en évoquant cette période formatrice. Depuis 2007, il a fait le choix de revenir dans sa ville natale où il travaille au conseil général des Pays de la Loire.
Le pont Anne de Bretagne : symbole d’une gouvernance contestée
La récente annonce du report de la réouverture du pont Anne de Bretagne cristallise les critiques de Julien Bainvel envers la gestion municipale actuelle. Ce projet, estimé à 50 millions d’euros, était initialement prévu sans fermeture complète du pont, un critère qui avait pesé dans le choix des entreprises lors du jury de concours.
“L’un des engagements qui avait été demandé aux entreprises qui postulaient, c’était que le pont reste ouvert”.
C’était un des critères”, rappelle-t-il.
“Au final, une fois que le budget est voté, on apprend que le pont va fermer avec toutes les conséquences que ça a pour les commerçants et les Nantais.”
Face à ce projet qu’il juge inadapté, Julien Bainvel et ses collègues avaient proposé une alternative qui permettait de relier l’Ile de Nantes à la gare de Chantenay, laquelle serait devenue un véritable pôle multimodal. : “Nous avions fait une proposition qui était de conserver le pont tel quel pour les voitures, les piétons et éventuellement les cyclistes ; en revanche, nous construisions à la pointe de l’île de Nantes un pont réservé aux piétons, vélos et aux bus.”
Seulement la situation actuelle a des conséquences économiques bien concrètes pour les commerçants en grande difficulté dans le centre-ville de Nantes.
Un commerçant indique notamment :
« J’accuse une perte énorme de chiffre d’affaires, plus de 10.000 euros cumulés, au point où je ne peux plus me rémunérer à cause des charges qu’il me reste à payer ».
Cette situation illustre, selon l’élu, un problème plus profond de crédibilité de la parole publique, qui se traduit notamment par un taux d’abstention record aux élections municipales : “Aux dernières municipales, il y avait 71% d’abstention à Nantes. Le Covid peut expliquer en partie ce chiffre, mais il n’empêche qu’ici, à Nantes, on ne dépasse jamais 50% de participation municipale.”
Une politique de mobilité jugée “dogmatique”
Au-delà du cas spécifique du pont Anne de Bretagne, Julien Bainvel dénonce une approche qu’il qualifie de “dogmatique” en matière de déplacements urbains. “Il y a quelque chose de très dogmatique dans la manière dont la majorité actuelle gère les questions des déplacements”, affirme-t-il, tout en précisant qu’il est favorable à des alternatives à la voiture individuelle.
“Je fais partie de ceux qui disent qu’il faut offrir des alternatives pour que ceux qui le peuvent puissent éviter de prendre leur voiture. Cela signifie créer des pistes cyclables sécurisées, mais également proposer un haut niveau de service en transport, en bus, etc. Mais il y a des personnes, des familles et des professionnels qui ne peuvent pas se passer de leur voiture.”
Julien Bainvel pointe notamment les difficultés rencontrées par les services d’urgence, contraints de naviguer dans une ville où les aménagements urbains compliquent parfois leurs interventions.
En effet, certains maires vont jusqu’à mettre en place des mesures coercitives, à l’instar de Nantes, où des terre-pleins centraux ont été mis en place afin d’empêcher les automobilistes de dépasser un bus pourtant à l’arrêt. Au prétexte de la sécurité des usagers de ces transports en commun, ces terre-pleins centraux mettent pourtant en danger la vie des citoyens. En effet, les véhicules de secours restent inévitablement bloqués derrière ces bus à l’arrêt qu’ils ne peuvent pas dépasser. Il n’existe aucune marge de manœuvre.
Or, une seule minute de plus, c’est 10 % de chance de survie en moins, en particulier en cas d’arrêt cardio-respiratoire.
Pour l’élu, la solution passe par une révision du plan de circulation et une meilleure séquence des chantiers : “Tout est fait aujourd’hui pour que ce soit l’enfer pour traverser la ville. Et je ne parle même pas de tous les chantiers qui sont lancés en même temps à toutes les entrées de ville.”
Seulement, les alternatives à la voiture sont trop insuffisantes actuellement dans le département de la Loire-Atlantique pour repenser la mobilité.
Le périphérique nantais : un problème mais des solutions existent
Autre sujet de préoccupation majeure : les fermetures récurrentes du périphérique nantais en raison des inondations. Julien Bainvel alerte sur l’aggravation prévisible de ce phénomène : “Si on ne fait rien, un, ça va continuer, mais deux, ça va s’amplifier. Si c’est bloqué, c’est parce que le Gesvres déborde. Et avec le changement climatique, ces phénomènes-là vont être de plus en plus récurrents, de plus en plus forts.”
“La proposition que je fais, c’est que la métropole avance l’argent pour que les travaux [d’aménagement du périphérique] soient réalisés dans des temps courts.”
Face à cette situation, il propose une solution pragmatique qui dépasse les clivages de compétences entre l’État et la Métropole : “La métropole, elle a de l’argent. Son budget, c’est 2 milliards d’euros. Il n’y a aucune difficulté. La proposition que je fais, c’est que la métropole avance l’argent pour que les travaux soient réalisés dans des temps courts.”
Il suggère ensuite un mécanisme de remboursement par l’État : “On peut très bien passer une convention avec l’État en disant la répartition du coût… Et ensuite, en une fois ou en plusieurs fois, l’État vient rembourser la métropole de sa part.”
Commerce et attractivité économique : un centre-ville en difficulté
Le constat est sans appel pour Julien Bainvel concernant la situation commerciale du centre-ville nantais : “Le taux de vacances commerciales a doublé à Nantes. Il suffit de se promener dans les rues pour voir le nombre de boutiques qui sont fermées.”
Pour redynamiser le commerce, il préconise d’agir sur plusieurs leviers : “Il y a évidemment la question de la sécurité, il y a la question de l’accessibilité du centre-ville.”
S’agissant de la sécurité, Nantes est toujours en retard en matière d’installation de caméras de vidéo protection.
Cela s’explique par le refus des élus écologistes. Ils acceptent les contrôles des voies de covoiturage par des caméras et de l’intelligence artificielle, mais rejettent l’installation de nouvelles caméras à Nantes. Pourtant, les caméras ont prouvé leur efficacité en matière de baisse des incivilités (-30% d’après la Gendarmerie Nationale) et permis de résoudre de nombreuses affaires.
Concernant l’accessibilité et l’attractivité du centre-ville de Nantes, Julien Bainvel souligne l’importance d’attirer des “locomotives commerciales” capables de générer du flux dans le centre-ville.
Il cite l’exemple de grandes enseignes qui ont préféré s’installer en périphérie plutôt qu’au centre-ville : “Quand Apple Store décide d’arriver sur la métropole, leur premier choix, c’est le centre-ville. À l’époque, la ville, elle dit ‘Non, on n’aime pas trop ce type d’activité’. Ils sont allés où ? Ils se sont installés à Atlantis.”
Pour Julien Bainvel, cette situation révèle une incompréhension de la fonction même du centre-ville : “Le centre-ville, il n’est pas fait que pour ses habitants qui ont besoin de faire leurs courses. Pour que les gens de l’extérieur viennent, il faut qu’ils y trouvent leur intérêt et un certain nombre de facilités.”
LFI et l’antisémitisme
Julien Bainvel n’hésite pas à aborder des sujets politiques sensibles, notamment concernant La France Insoumise :
“La France insoumise est dans une logique communautariste. Les propos et les actes antisémites sont une réalité. Ils ont beau essayer de nous faire croire que non, pas du tout, la réalité c’est que l’antisémitisme est présent dans ce parti.“
Cette position ferme s’accompagne d’une incompréhension face aux alliances politiques de la majorité municipale : “Je ne comprends pas que matin, midi et soir, Johanna Rolland fasse la leçon à tout le monde sur le Rassemblement National, les tentations de la droite de se marier avec le Rassemblement National, qui sont juste une vue de l’esprit, ça n’est jamais arrivé, et qui, à l’inverse, fait tout pour se marier avec LFI.“
Pour Julien Bainvel, “LFI et le RN, c’est le même combat. Ce sont des partis extrémistes qui portent des valeurs qui ne sont pas d’union, de rassemblement, de solidarité qu’on retrouve dans la devise française ‘Liberté, Égalité, Fraternité’.”
De surcroît, le député LFI Andy Kerbrat avait été arrêté à Paris en pleine transaction d’achat de drogue. Une situation incongrue pour un élu qui vote des lois qu’il est censé respecter.
Les gens du voyage à Nantes : entre accueil et fermeté
Sur la question des gens du voyage, Julien Bainvel adopte une position nuancée mais ferme. Il constate d’abord un “retard sur la construction et l’ouverture d’aires d’accueil des gens du voyage” au niveau départemental et métropolitain, tout en notant que les aires existantes “sont très peu utilisées”.
Certains camps en viennent à tourner autour de la métropole Nantaise au fur et à mesure des expulsions.
Il critique ensuite le discours de la majorité municipale : “Le deuxième élément qui explique cette situation-là, c’est le discours de Johanna Rolland et de son équipe, qui consiste à dire que Nantes est une terre d’accueil inconditionnelle, ‘Venez tous ici, on ne vous dira jamais rien’.”
Les habitants sont excédés par cette politique permissive qui ne respecte ni le droit à la propriété ni la tranquillité due à tout contribuable.
Selon lui, cette approche a des conséquences concrètes : “On a des camps qui se multiplient aux quatre coins de la métropole. On estime que la population gens du voyage, Roms, c’est 3500 personnes à l’échelle de la métropole. C’est plus que certaines villes de la métropole.”
Face à cette situation, il préconise une approche plus stricte : “Je pense qu’il faut être extrêmement ferme et qu’il y ait évacuation le plus rapidement possible et systématiquement à chaque fois qu’il y a une occupation d’un terrain, qu’il soit privé ou public.”
L’aéroport de Nantes : moderniser faute de transfert
La question de l’aéroport de Nantes-Atlantique reste un sujet sensible après l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Julien Bainvel pointe l’incohérence de certains élus : “Vous avez les mêmes élus qui se sont battus, qui ont défilé contre Notre-Dame-des-Landes disent maintenant ‘C’est scandaleux d’avoir un aéroport en ville.’ Or, si on a un aéroport en ville, c’est parce qu’il n’a pas été transféré.”
Pour l’élu métropolitain, l’enjeu est désormais de trouver “l’équilibre entre les nuisances qui sont générées par l’aéroport, et la capacité à continuer à le développer.”
Julien Bainvel évoque les projets en cours pour améliorer la desserte de l’aéroport : “Côté région, on travaille sur la création de la halte ferroviaire à Bouguenais, pour desservir l’aéroport. Nous sommes dans les études. L’objectif c’est de faire la livraison en 2032.” Il mentionne également le projet de “bus à haut niveau de service avec de la voie réservée qui passera sur le périphérique” porté par la métropole.
Une vision alternative pour Nantes
À travers ses critiques et propositions, Julien Bainvel dessine les contours d’une vision alternative pour la métropole nantaise. Il plaide pour une approche plus pragmatique et moins idéologique des questions de mobilité, une meilleure coordination des chantiers urbains, et une politique économique qui reconnaît le rôle central de l’entreprise.
“L’entreprise joue un rôle majeur. C’est elle qui crée de la richesse.”
“Je pense que l’entreprise joue un rôle majeur et que c’est elle qui crée de la richesse. Il faut que les collectivités locales soient facilitatrices et puissent accompagner un certain nombre de projets”, affirme-t-il.
Face à une abstention record et une défiance croissante envers la parole politique, Julien Bainvel appelle à redonner de la crédibilité à l’action publique : “Il y a un vrai sujet sur comment on redonne de la crédibilité à la parole publique et comment on intéresse davantage les citoyens à ce qui se passe.”
En définitive, c’est un appel à repenser la gouvernance de la ville que lance l’élu, avec comme fil conducteur la recherche de solutions concrètes aux problèmes quotidiens des Nantais, qu’il s’agisse de mobilité, d’économie ou de qualité de vie ; avec une ambition : mettre fin au déclassement de la ville et réenchanter Nantes.
Crédits photos : TG – Alfanet T.