Déconfinement des entreprises : vers une reprise d’activité ?
Après deux mois d’arrêt presque total du pays, le 11 Mai sonnait la fin du confinement. La vie reprenait son cours, timidement, mais la reprise s’amorçait. La fin de l’urgence sanitaire a été fixée au 10 juillet, signifiant la suppression de certaines mesures temporaires. La plupart des aides aux entreprises demeurent toutefois applicables pour faciliter la reprise économique du pays.
En cette période estivale, où en sont les entreprises Françaises ? Comment se passe la reprise pour les salariés et les employeurs ? La reprise économique est-elle amorcée ? Des signaux encourageants laissent à penser que la reprise pourrait être plus rapide que prévu.
La reprise entreprise : comment s’est-elle organisée ?
Un protocole national de déconfinement assoupli
Un certain nombre de documents ont été produits par le gouvernement pour accompagner les entreprises depuis le début de la crise sanitaire. Dès le début du confinement, 90 guides et fiches conseil métier avaient été élaborées par le Ministère du Travail, les autorités sanitaires et les partenaires sociaux pour maintenir l’activité dans les secteurs qui ne pouvaient se confiner (énergie, agro-alimentaire, santé etc).
En vue du déconfinement progressif, le gouvernement a publié le 3 mai 2020 un protocole national en vue d’accompagner les chefs d’entreprises et d’associations dans la reprise de leurs activités.
Des moyens importants ont été investis par les entreprises pour assurer la sécurité de leurs salariés, de leurs prestataires et de leurs clients. Conscient de cette charge supplémentaire, et afin d’aider les PME souvent fragilisées, le gouvernement a mis en place des subventions « Prévention Covid » pour les entreprises de moins de 50 salariés et les indépendants. Elles consistent en un remboursement par l’Assurance maladie et le CPME pouvant aller jusqu’à 50% de l’investissement dans les équipements de protection (plexiglas, gel hydrolalcoolique etc) réalisé jusqu’au 31 juillet 2020.
La menace épidémique plane toujours et malgré la douceur de l’été, des mesures barrières doivent continuer à être appliquées. En effet, le Président de la République a déclaré lors d’une interview le 13 juillet que le masque serait rendu obligatoire dès le 1er aout dans tous les endroits publics clos.
Toutefois, afin de faciliter le retour à la normal, une nouvelle version du protocole en date du 24 juin 2020 se substituait à ces fiches métiers et au protocole initial du 03 mai. Il assouplit les règles applicables sur les lieux de travail tout en veillant à maintenir les règles sanitaires fixées par le Haut Conseil de la Santé publique. Parmi les assouplissements, nous pouvons noter que :
- le télétravail n’est plus la norme mais une solution à privilégier ;
- la jauge des 4m2 autour d’une personne n’est plus qu’un outil indicatif, le respect d’1m de distance devient la norme ;
Un référent Covid-19 doit-être désigné dans chaque entreprise afin de maintenir la vigilance et de s’assurer de la mise en œuvre et du respect des gestes barrières.
Le retour au travail en présentiel a ainsi été organisé en amont par les entreprises, encadré par les autorités. Qu’en est-il dans les entreprises ? La reprise s’amorce-t-elle réellement ? Les salariés ont-ils retrouvé le chemin de leur bureau ?
Des salariés télé-travailleurs réticents à revenir sur site
Malgré des précautions importantes mises en place dans les entreprises, la reprise sur site peine à s’amorcer pour les salariés dont le travail peut s’effectuer à distance. Qu’il s’agisse de la peur de la contamination ou du souhait de pérenniser l’organisation qu’ils ont mise en place, une bonne partie des salariés placés en télétravail au début du confinement ne souhaitent pas revenir en présentiel.
D’après l’étude Malakoff Humanis, ils sont effet 84 % à vouloir continuer à télétravailler durablement et 56 % des salariés appréhendaient leur retour en entreprise. Cette réticence animée par les contraintes sanitaires et la peur du virus (difficulté de porter le masque, distanciation physique compliquée notamment dans les transports etc…) contraint le management à faire davantage pression sur leurs équipes pour un retour au bureau.
Chaque entreprise s’organise à sa manière : reprise à temps complet, en alternance, quelques jours en présentiel par semaine. Si certaines d’entre elles en ont profité pour passer en « full remote », c’est-à-dire en télétravail à temps complet, d’autres souhaitent revenir à la situation antérieure, avec des salariés physiquement présents. Toutefois, selon une étude de l’ANDRH, 85% des DRH ont compris que le désir de télétravail était important, et considèrent qu’il est nécessaire de pérenniser cette expérience. Tout l‘enjeu étant de maintenir le lien social, la créativité et le travail d’équipe à son meilleur, tout en repensant l’organisation.
Les chiffres de la reprise en France
Vers une reprise plus rapide que prévu ?
L’activité, après un ralentissement sans précédent durant le confinement, est repartie de plus belle dans certains secteurs comme le BTP, l’industrie et la distribution. De plus, certains chiffres dessinent une amorce de reprise très encourageante qui laisse à penser que la sortie de crise pourrait être moins douloureuse qu’imaginée.
Certains secteurs sont dévastés après deux mois de confinement et une pandémie toujours active, notamment le tourisme qui ne retrouvera pas sa superbe cette année avec des frontières restées fermées ou encore incertaines, l’aéronautique ou encore l’industrie du spectacle. A cela s‘ajoutent des marchés internationaux qui reste clos, notamment en Asie ou en Amérique du Sud. La période de confinement a également généré une dette colossale pour l’Etat (aides aux entreprises, chômage partiel, arrêts maladies). Autant de mauvaises nouvelles qui font craindre une récession cataclysmique, un chômage de masse et de massives faillites d’entreprises.
Et pourtant, certains chiffres venant de la BPI (banque publique d’investissement), de la Banque de France ou encore du Ministère de l’économie laissent entrevoir un scénario moins catastrophique que prévu.
En effet, la Banque de France a révisé ses prévisions concernant la baisse d’activité. Après avoir mené une enquête auprès de 8500 entreprises, la Banque de France constate une nouvelle progression de l’activité économique en juin après un fort rebond enregistré en mai. Les secteurs de l’industrie, des services et du bâtiment continuent de se redresser. Le 9 juin, la Banque de France avait évalué la perte de PIB à près de 17% à fin mai (27% sur une semaine de confinement en avril). Toutefois, les signaux post-confinement faisant apparaitre une reprise notable, la baisse de PIB a été réévaluée à 9% pour le mois de Juin, alors que celle-ci avait été anticipée à 12% initialement, soit 3 points de plus. Les niveaux d’activité atteints en juin et juillet seront plus élevés que ceux prévus dans le point conjoncture du 9 juin dernier. Ainsi, la contraction du PIB atteindrait -10% en moyenne pour 2020, au lieu des -12,5% retenus par le FMI.
Une évolution du PIB en V ou en U est envisagée par les économistes, c’est-à-dire une chute brutale suivie d’une reprise toute aussi rapide. En effet, durant la crise sanitaire, l’activité a été mise en stand-by mais il n’y a pas eu de destruction d’actifs ou de valeurs, à la différence de la crise de 2008. De plus, durant le confinement de deux mois, et notamment grâce au dispositif d’activité partielle et aux aides apportées par l’Etat, les Français ont épargné pour plus de 80 milliards d’euros. Une réserve d’épargne historique, qui laisse à penser qu’ils seront à même de consommer et d’investir massivement et rapidement.
Les entreprises ont fait appel au PGE (prêt garanti par l’Etat) qui représente un formidable levier pour disposer de trésorerie immédiate. Toutefois, la Banque de France constate que les trésoreries d’entreprise sont créditrices, avec plus de 120 milliards d’euros disponibles sur leurs comptes courants. Beaucoup d’entreprises ont donc bénéficié d’un PGE mais n’ont pas utilisé les sommes prêtées.
Les chiffres ne sont donc pas inquiétants outre mesure. Il sera toutefois primordial de restaurer la confiance pour encourager les consommateurs à consommer et les entreprises à investir et à créer de nouveaux emplois. Les réserves financières des particuliers comme des entreprises ne sont pas vides, toutefois, l’avenir considéré comme incertain pourra mener chacun à les « garder au chaud », limitant ainsi l’investissement et la croissance.
Des starts-ups au « taquet » !
OpinionWay a réalisé en juin 2020 une étude sur l’état d’esprit des startups en ces temps de crise sanitaire.
D’après les résultats, l’envie d’entreprendre des start-ups sort intacte de ces mois difficiles puisque sont 61 % d’entre elles estiment que l’envie d’entreprendre est plus forte qu’avant, allant même jusqu’à considérer cette crise comme un véritable stimulant pour l’innovation.
Dans les secteurs gagnants de ce confinement, on trouve celui du digital désormais considéré comme indispensable pour près de 3 Français sur 4. Télétravail collaboratif, e-commerce pour les achats en ligne ou encore consultation médicale à distance, les entreprises innovantes proposent des services qui ont connu une utilisation record et ont pu ainsi prouver leur intérêt pour le grand public.
Toujours d’après l’étude Opinion Way pour LVMH, 88% des start-ups estiment que le confinement à fait émerger de nouvelles idées et donc, de nouvelles entreprises, notamment dans les secteurs de la santé, de l’e-commerce, de la bioTech, de la FinTech et de la FoodTech.
Un point sur les aides aux entreprises
Le fonds de solidarité :
Le fonds de solidarité a été reconduit pour toutes les entreprises éligibles au mois de juin. Il sera prolongé jusqu’au 31 décembre 2020 pour les secteurs les plus durement touchés (comme listés dans le décret n° 2020-757 du 20 juin 2020). Le seuil de 10 salariés a été relevé à 20 pour les entreprises appartenant à un secteur d’activité prioritaire. Le seuil de chiffre d’affaire a été également relevé de 1 à 2 millions pour ces mêmes entreprises.
Ces entreprises sont éligibles :
- à une aide pouvant aller jusqu’à 1500€ ;
- une aide complémentaire de 2000 à 5000€ (10 000€ pour les entreprises de secteurs prioritaires)
Annulation charges sociales
Pour certaines entreprises (moins de 10 salariés et ayant fait l’objet d’une fermeture administrative), les charges sociales patronales d’avril, mai et Juin sont annulées. Les autres entreprises en difficulté sont susceptibles d’obtenir un report de charges sociales sur demande, mais pas une suppression complète.
PGE (Prêt garanti par l’Etat)
L’Etat accorde une garantie de 70 à 90% de la valeur du prêt obtenu selon la situation de l’entreprise. Aucun remboursement n’est exigible par la banque la première année. Le dispositif reste ouvert jusqu’au 31 décembre 2020.
Aides européennes
Le Fonds Européen d’Investissement stratégique (EFSI)), filiale de la BEI (Banque Européenne d’investissement) met à disposition des financements supplémentaires pour les PME : garantie des prêts du programme COSME et du dispositif Innov Fin à hauteur de 2,2 milliards d’euros.
Subvention « Prévention Covid »
Pour les achats réalisés jusqu’au 31 juillet 2020, l’Assurance maladie et la CPME remboursent les entreprises de moins de 50 de salariés et les travailleurs indépendants quant à leurs achats de prévention (plexiglas, masques etc.) à hauteur de 50% et dans la limite de 5000€.
Le « prêt Rebond full digital” ou “prêt Rebond flash”
Le « Prêt Rebond » s’adresse aux PME pour leur apporter un soutien rapide en trésorerie. Les démarches sont effectuées en ligne, la décision de crédit transmise sous 48 heures et les fonds débloqués sous 3 jours.
Les aides à la création d’entreprise restent également d’actualité afin de soutenir les entreprises nouvelles : aides sociales et fiscales, aides financières (micro-crédit, garantie d’emprunt), ou encore accompagnement à la création d’entreprise. Il existe plus de 3000 aides différentes pour aider les entrepreneurs à démarrer.En dépit du cataclysme économique, la reprise s’amorce avec plus d’entrain que prévu par les scénariis de Bercy et de la Banque de France. Reste désormais à calculer ce qu’ont coûté à l’Etat toutes les mesures d’aides mises en place pour soutenir à la fois les entreprises et le pouvoir d’achat des Français. Reste également à patienter pour connaitre l’état d’esprit des consommateurs sur l’année 2020 : prudence ou dépenses ? Il s’agit toutefois d’observer les signaux optimistes pour se rendre compte que la volonté d’entreprendre n’a pas disparue !