ArcelorMittal : les sites de production d’acier Européens vont-ils fermer ?
- Economie
- Entreprise


La déclaration d’Alain Le Gris de la Salle, patron d’ArcelorMittal France lors d’une audition parlementaire le 22 janvier 2025 a largement été reprise dans la presse. Alarmiste, il a annoncé qu’une menace de fermeture pèse actuellement sur tous les sites sidérurgiques Européens. Alors que des fermetures d’usines sont en cours en France, qu’est-ce qui menace l’acier Européen ? Que réclame ArcelorMittal pour améliorer la situation des sidérurgistes ?
1- ArcelorMittal : quelles sont les 3 raisons de la crise de la sidérurgie en France ?
Le nouveau patron d’ArcelorMittal France a avancé trois causes à la crise qui touche l’acier français : la hausse des coûts de l’énergie, la baisse de la demande intérieure et la concurrence déloyale Chinoise.
Le coût de la production de l’énergie dans la production d’acier
Le coût de l’énergie reste trop important en Europe, particulièrement pour les entreprises grandes consommatrices, comme celles de la sidérurgie. Ces coûts sont parmi les plus élevés du monde. Par exemple, le coût du gaz est 4 à 5 fois plus élevé en Europe qu’aux Etats-Unis. Ensuite, les sites Européens sont soumis à des objectifs de décarbonation auxquels ne sont pas ou peu soumis les sites dans le reste du monde. Le coût du C02 en Europe représente 10 % du prix de l’acier et il pourrait en représenter jusqu’à 25 % en 2030 selon le patron d’ArcelorMittal France.
Baisse de la demande d’acier de 20 % en France
Autre raison à la crise de la sidérurgie : le manque de demande intérieure en Europe. La demande a baissé de 20 % en France ! En cause ? Une économie en berne et qui tourne au ralenti. Les PME Françaises représentent un important vivier de clients pour le groupe. Or, ces entreprises sont dans l’attente. Et durant ce temps, elles ne commandent pas d’acier pour leurs projets. Il faut redonner de la compétitivité au tissu industriel Français et simplifier les procédures.
Toutefois, la crise de la sidérurgie n’est pas seulement provoquée par la diminution de la demande intérieure, mais aussi par une crise de surproduction.
ArcelorMittal face à la concurrence de la surproduction chinoise
En effet … la crise de l’acier est alimentée par la surproduction d’acier chinois. Le pays inonde le marché international avec des prix cassés par rapport à l’Europe. Les sidérurgistes Européens ne peuvent pas s’aligner sur ces tarifs du fait du prix de l’énergie, des coûts de décarbonation ainsi que des charges sociales et fiscales plus importants.
En 2024, la Chine a exporté entre 100 et 120 millions de tonnes d’acier, ce qui représente la consommation de toute l’Europe sur une année. On estime les surcapacités mondiales à environ 600 millions de tonnes de production annuelle. Les sidérurgistes feront face à un problème structurel, tant que les pouvoirs publics Européens ne prendront pas de décision pour protéger l’acier Européen. Autrement, impossible de rester compétitif, ce qui entraînera des délocalisations avec les graves menaces sur l’emploi qui vont avec.
“Si l’Europe ne décide pas de protéger son marché de la concurrence déloyale, alors ce sont des pans entiers de notre industrie qui vont disparaître à brève échéance.” Alain Le Gris de La Salle, président d’ArcelorMittal France
2- Les sites Français d’ArcelorMittal : entre abandon de projets et fermetures
Des fermetures d’usines en cours en France
Le groupe ArcelorMittal compte une quarantaine d’usines de production d’acier en France.
Or, le groupe a annoncé devoir fermer ses usines de Denain dans le Nord et de Reims dans la Marne. Au total, ce sont 135 postes menacés par ces fermetures, en plus d’une trentaine à Strasbourg et Valence. En plus des suppressions de postes en usine, 28 postes au sein des agences de distribution de Strasbourg et de Valence devraient également être supprimés.
A l’usine Arcelor Mittal Reims, les 113 salariés du site ont adopté à 93 % les propositions de la direction concernant leurs indemnités de départ.
ArcelorMittal Dunkerque : le projet de décarbonation suspendu
Les usines les plus importantes sont celles de Dunkerque (Nord), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Florange (Moselle). Les usines de Dunkerque et de Fos sur mer sont concernées par la suspension des investissements dans la décarbonation. On parle d’un projet à près de deux milliards d’euros à Dunkerque.
Ces projets ont pour objectif de réduire l’empreinte carbone de la production d’acier. Le groupe ArcelorMittal avait planifié la construction de deux fours électriques et d’une unité de réduction directe du fer à Dunkerque pour avancer vers cet objectif. Or, le groupe a décidé de retarder son projet de production d’acier décarboné compte-tenu de la crise actuelle. Le sidérurgiste estime que ses clients ne sont pas prêts à payer un acier bas carbone qui coûte plus cher à produire et qui subit la concurrence d’acier Chinois ou Américain, pays qui se contrefichent des objectifs environnementaux. Le mécanisme de taxation carbone aux frontières de l’Europe ne compensant pas les surcoûts de production de l’acier décarboné.
Pour les syndicats, le report de ce projet menace la survie des l’usine de Dunkerque. Ils redoutent la fermeture de la filière fonte, au mieux, et au pire, la fermeture pure et simple de l’usine. Or, ArcelorMittal Dunkerque alimente d’autres sites sidérurgiques. Ils craignent une réaction en chaîne.
3- Quelles menaces pèsent sur les sites sidérurgiques Européens ?
Les sites français d’ArcelorMittal ne sont pas les seuls menacés. Pour le patron du groupe Français, tous les sites de sidérurgie européens pourraient fermer dans l’avenir. Déjà le groupe allemand Thyssenkrupp, principal concurrent d’Arcelor Mittal, prévoit de supprimer 11 000 emplois d’ici 2030, soit 40% de ses effectifs.
Alors que la part des importations dans la consommation des aciers plats a augmenté de 65 % en Europe en 10 ans, elle a diminué de 25 % aux États-Unis. Ceux-ci ont mis en place un protectionnisme pour contrer la concurrence de l’acier Chinois. Qu’attend l’Union Européenne pour revoir le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ? Ou pour protéger son acier en instaurant des droits de douane plus importants ?
L’acier Européen est en crise multifactoriel mais une grande partie de ses maux vient de la concurrence Chinoise, non soumise aux mêmes règles qu’en Europe. Il est impératif que l’Europe défendent ses intérêts non seulement face à la Chine mais aussi face aux États-Unis de Donald Trump. Celui-ci a déjà annoncé la mise en place de droits de douanes de 25 % sur l’acier.
Conclusion
Par ailleurs, ArcelorMittal a confirmé la construction d’une nouvelle usine d’acier électrique … aux États-Unis, à l’occasion de la publication de ses résultats de l’année 2024. L’investissement est estimé à 900 millions de dollars, alors que les projets de décarbonation d’ArcelorMittal à Dunkerque et à Fos sur mer sont suspendus.
Cette décision est vue comme une provocation par les salariés et les syndicats. Il s’agit peut-être aussi de réveiller l’exécutif Européen. En effet, il serait peut être temps que la France, et l’Union Européenne, taxent les importations plutôt que la production locale.
📝 Sources : Directement intégrées par des liens dans le texte de l’article.
📷 Images : Gomet‧net, Lejournaldesentreprises, Pixabay