Fausses fiches de paie : Des entrepreneurs malhonnêtes s’affranchissent de la Loi

  • Justice & réglementation

La facilité d’entreprendre dans notre pays induit parfois des agissements illégaux, malveillants et assurément délictuels de la part de certains entrepreneurs malhonnêtes.

C’est ainsi que nous avons enquêté sur un phénomène préjudiciable à l’ensemble de l’économie : la création de fausses fiches de paie sur Internet.

De vraies entreprises pour de fausses fiches de paie

En effet, des prestations de création de fausses fiches de paie sont proposées par des entreprises dûment immatriculées au registre du commerce et des sociétés, à l’instar de L’agence de développement LootSum et de l’EI Akin EMRE.

Ces deux entreprises ont chacune publié un site internet permettant la création de fausses fiches de paie à des fins d’escroquerie.

Copier le site internet d’un véritable éditeur de logiciel de paye

👉 En premier lieu, leur stratagème consiste à copier le design et l’apparence d’un site existant, idéalement celui d’un véritable éditeur de logiciel de paye déjà établi, afin de bénéficier de sa réputation auprès de la communauté.

C’est ainsi qu’ils s’approprient l’identité graphique partielle ou totale d’un éditeur de logiciels reconnu pour ensuite proposer des services illégaux de création de fausses fiches de paie.

Ces entrepreneurs qui agissent ainsi en violation des articles L335-1 à L335-9 du Code de la propriété intellectuelle risquent 3 ans de prison et de 300 000€ d’amende. Ils sont pour la plupart très jeunes, inexpérimentés et s’affranchissent totalement du respect de la loi et d’autrui.

Pour ces ignorants du Droit, ils ne font que reprendre des éléments graphiques communs à de nombreux sites internet ou à des logiciels SaaS.

Or, l’identité d’un site Internet ou d’un logiciel SaaS est constitué d’un ensemble d’éléments graphiques, textuels et d’une disposition spécifique de ces éléments qui créent une originalité et une différenciation concurrentielle.

S’approprier ces éléments de manière parcellaire ou totale revient à violer la propriété originale.

De nombreuses condamnations ont déjà été prononcées par les tribunaux

Par exemple, le site internet etiquettes-folies.fr a été condamné à verser 20 000€ de dommages et intérêts au site c-monetiquette.fr.
Cela, quand bien même chaque élément apparaît comme banal, et indépendamment de tout risque de confusion, ne peuvent être considérées comme fortuites ou relevant des tendances du marché.

Au contraire, cela témoigne d’une volonté de la société fautive de s’inscrire, à titre lucratif et de façon injustifiée, dans le sillage de la société victime de ces agissements. Cela caractérise ainsi un comportement fautif constitutif d’agissements parasitaires », a jugé la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 16 décembre 2022.

Un préjudice économique, financier et d’image considérable

Dans notre dossier, le préjudice est considérable pour ces éditeurs de logiciels qui sont ainsi confrontés à une pâle copie de leur site internet mise en ligne pour tromper les utilisateurs.

En effet, ils se retrouvent à devoir assurer le service après-vente de cette concurrence déloyale qui, de toute façon, ne fait pas le travail et produit de faux documents.

C’est ainsi que des professionnels trompés par le site copié demandent des comptes au véritable éditeur. Naturellement, ce dernier n’est aucunement responsable des agissements délictuels effectués par ces escrocs qui ont copié son site internet.

Des conséquences dramatiques

Pour les employeurs

Lorsqu’un professionnel se laisse prendre par l’arnaque ainsi présentée, il en sera quitte pour une mise en examen pour travail dissimulé.

En effet, produire une fiche de paie sans effectuer les déclarations sociales, ni même effectuer les versements de cotisations corrélatifs est considéré par les Tribunaux comme du travail dissimulé.

Pour les employés

Leurs droits et acquis sociaux (retraite, chômage, maladie…etc) sont spoliés par le non-versement des cotisations corrélativement à l’établissement d’une fausse fiche de paie.

Pour l’économie

Le manque à gagner est considérable pour l’État français. Notamment s’agissant des organismes sociaux à l’instar de l’URSSAF, de la MSA, des caisses de retraite, de prévoyance, et des mutuelles qui ne percevront jamais les cotisations indiquées sur ces faux bulletins de paye remis aux salariés.

👉 En second lieu, ils créent un environnement propice à tromper les utilisateurs par des affirmations mensongères.

Par exemple, chez Akin Emre ils indiquent sur leur site internet que “leurs fiches de paie sont certifiées par un expert-comptable” :

Cette affirmation est totalement mensongère.

D’une part, l’entreprise qui affirme cela ne dispose d’aucun expert-comptable dans son effectif, à l’heure où nous écrivons ces lignes.

D’autre part, le dirigeant n’est aucunement expert-comptable. Il s’agit là d’une usurpation de titre réglementé punie par la loi d’un an de prison et de 15 000€ d’amende (article 433-17 du Code pénal).

Des dirigeants irresponsables

Ces dirigeants sont totalement irresponsables de créer une activité telle que celle-ci.

En effet, les fiches de paie frauduleuses générées sur leur site internet peuvent être utilisées à des fins d’escroquerie. Par exemple pour monter de faux dossiers locatifs ou bien emprunter frauduleusement auprès de banques et d’établissements financiers. Les usurpations d’identité sont énormément facilitées avec ce site de site internet frauduleux.

Lorsque nous contactons ces entreprises et leurs dirigeants afin de leur demander en quoi consiste leur activité et pour quelles raisons ils agissent de la sorte en mettant en péril l’économie du pays, leurs réponses sont désinvoltes et irresponsables.

Certains d’entre eux estiment qu’il s’agit là de “fiches de paie récréatives”.

Naïvement, ils n’imaginent pas un seul instant un usage malveillant alors même qu’ils ont créé un environnement propice à un usage frauduleux.

Par exemple, deux de ces entrepreneurs en carton ont été jusqu’à créer un site internet appelé Fausse-Fiche-De-Paie.com pour inciter les utilisateurs à produire ensuite de fausses fiches de paie avec leur site internet.

On est véritablement là dans une escroquerie à la fraude sociale à très grande échelle.

Lorsqu’on clique sur le bouton “Commencer”, il est possible de créer en quelque clics une fausse fiche de paie :

Le courage n’est pas la qualité la plus évidente chez ces dirigeants

En effet, pour ne pas se faire prendre, ces entreprises et ces entrepreneurs agissent avec lâcheté.

Ceux qui violent la loi menacent les victimes d’actions en représailles.

D’une part, les mentions légales sont inexistantes ou lorsqu’elles sont enfin mises en place sur les sites internet concernés, elles renvoient à des sociétés étrangères pour brouiller les pistes.

Cela afin de pouvoir rejeter toute action en justice sur le territoire français.

D’autre part, ils adressent des menaces aux plaignants.

C’est tout de même assez stupéfiant cette inversion de valeur permanente où ceux qui violent la loi menacent les victimes d’actions en représailles.

L’entreprise Akin EMRE n’a pas souhaité répondre à nos questions malgré un échange par email.

Les propos tenus par le dirigeant mettaient en cause la probité de notre rédaction. Un prétexte fallacieux pour ne pas répondre aux éléments portés à sa connaissance.

Nous avions 5 questions simples à lui poser :

– Quelle est votre démarche de créer un site internet pour établir de fausses fiches de paie ?
– Pour quelle raison usurper le titre d’expert comptable ?
– Comment justifiez-vous la copie partielle du site de l’éditeur XXXX ?
– Pourquoi votre site internet était dépourvu de mentions légales lorsqu’il était en ligne ?
– Vous sentez-vous responsable des fausses fiches de paie créées sur votre site et ensuite utilisées pour des escroqueries ?

Les autres protagonistes sont dans une situation plus compliquée : L’un est en fuite en Arménie et ne reviendra vraisemblablement pas en France de son plein gré, l’autre tente de dissimuler sa responsabilité en rejetant celle-ci sur son associé en fuite à l’étranger.

En résumé, cette activité de création de fausses fiches de paie crée un préjudice considérable à l’économie du pays, aux salariés, aux employeurs et à toute entreprise confrontée à ses faux documents à des fins d’escroquerie.

Ce que dit la Loi

  • La production et l’usage de faux document est réprimé jusqu’à 5 ans de prison et de 75 000 € d’amende. Articles 441-1 à 441-12 du Code de Procédure Pénale.
  • La remise de fiches de paie sans effectuer les déclarations sociales ni effectuer les versements corrélatifs aux organismes, est considéré comme du travail dissimulé et réprimé de Jusqu’à 225 000 € d’amende, avec des peines complémentaires telles que la fermeture de l’entreprise. Articles L1 à L8331-1 du code du travail.
  • Le parasitisme, la violation de la propriété intellectuelle, est réprimé de 3 ans de prison et de 300 000€ d’amende. Articles L335-1 à L335-9 du Code de la propriété intellectuelle

Malgré des échanges avec les plaignants, ces délinquants ont choisi sciemment de poursuivre leur démarche malhonnête.

Nous savons de sources judiciaires, que les autorités sont saisies contre ces entreprises criminelles. Des enquêtes sont en cours, en complément d’actions judiciaires menées par les plaignants.

Sommaire

    François NORMAND

    François est un journaliste-rédacteur aguerri aux chiffres et aux sujets économiques.

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