Législatives 2024 : Interview exclusive du Député Mounir Belhamiti

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Mounir BELHAMITI est réélu député en 2022 sous les couleurs de la majorité Présidentielle. Nous avons rencontré Mounir afin de lui poser quelques questions.

Introduction

Mounir BELHAMITI n’est pas un novice de l’Assemblée Nationale. Suppléant de François de Rugy en 2017, le député siège à la chambre basse dès 2018 après la nomination de François de Rugy au Ministère de l’Écologie. Élu au conseil municipal de Nantes en 2020, il est dans l’opposition locale.

Mounir BELHAMITI est réélu député en 2022 sous les couleurs de la majorité Présidentielle. Aujourd’hui, il entend bien contrer la montée de l’extrême gauche dans le pays en étant à nouveau élu député de la Nation dans la 1ère circonscription de la Loire-Atlantique.

Nous avons rencontré Mounir afin de lui poser quelques questions.

Interview

La rédaction : En cette période électorale c’est un peu la surenchère des promesses aux Milliards de dépenses pour répondre aux attentes des électeurs.

La plupart des partis politiques proposent de nombreuses nouvelles hausses des dépenses ; on peut s’interroger dans le choix d’être dans la surenchère à la hausse dans ces dépenses, alors même que nous devrions être dans un véritable concours entre candidats pour justement baisser nos dépenses.

Et vous qu’en pensez vous ?

Mounir BELHAMITI : Je crois que les Français sont intelligents, ils comprennent que l’argent magique n’existe pas.

De fait, lorsqu’il y a des cadeaux, présentés comme tels en tout cas, il y a bien quelqu’un qui paye in fine.

Chez Renaissance, on a organisé des suppressions d’impôts pour les ménages : la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle par exemple, mais cela a dû être compensé. 

Pour les collectivités, cela a été inévitablement compensé ; pour l’audiovisuel public ça a aussi été compensé.

Ça a été compensé par une fraction de la TVA, il faut le dire.

Ce qui fait qu’aujourd’hui les réserves et les marges de manœuvre budgétaires, en tout cas fiscales, n’existent presque plus.

Soit on baisse nos dépenses publiques, soit on augmente les impôts.

Il faut que les Français comprennent ça.

 

“L’objectif, ce n’est pas de faire des cadeaux aux entreprises […] c’est que la France performe dans une économie internationale […] très concurrentielle.”

 

La proposition des deux blocs extrêmes : extrême gauche et extrême droite, c’est de raser gratis !

Comme ils le proposent, c’est in fine d’augmenter la pression fiscale à la fois pour les entreprises et pour les ménages.

Chez Renaissance, notre proposition est raisonnable et responsable dans le sens où elle adopte une trajectoire de maîtrise des dépenses publiques, de maîtrise de la dette et d’investissement dans des secteurs clés stratégiques qui ont vocation à créer de la valeur.

En même temps, nous devons continuer à préserver notre système social, notamment notre système de retraite par répartition.

On l’a réformé dans la douleur, puisque c’était une réforme indispensable mais très impopulaire.

Je pense qu’on le paye aujourd’hui.

On le voit d’ailleurs, les candidats aux législatives qui voulaient revenir sur la réforme des retraites assument timidement aujourd’hui qu’ils ne pourraient pas le faire. 

Il faut quand même dire aux Français que le Nouveau Front Populaire souhaite abroger cette réforme des retraites, et oublie d’indiquer aux électeurs que cela se traduirait par une baisse moyenne des pensions de retraite de l’ordre de – 2500€/an par retraité, soit une diminution du pouvoir d’achat de nos retraités de – 200€ par mois ! C’est considérable.

Consécutivement, pour financer le système une hausse des cotisations sera inévitable, c’est-à-dire une baisse du salaire net pour tous les salariés.

C’est la ruine assurée pour les particuliers ; et pour les entreprises, c’est pareil.

De fait, le Nouveau Front Populaire augmenterait les cotisations patronales et les impôts sur les sociétés, notamment les impôts de production, que nous, nous souhaitons diminuer pour rendre nos entreprises plus compétitives et gagner des marchés à l’international.

L’objectif, ce n’est pas de faire des cadeaux aux entreprises.

L’objectif, c’est que la France performe dans une économie internationale qui est très concurrentielle.

L’objectif, c’est que la France soit au meilleur rang dans le concert des nations.

C’est ça, l’objectif !

On ne fait pas de cadeaux aux entreprises pour faire des cadeaux aux entreprises.

Nous prenons des mesures encourageantes et incitatives pour créer de l’emploi, rendre compétitives nos entreprises et leur faire gagner des parts de marché à l’international.

Nous voulons que la France soit plus forte dans l’Europe, mais aussi dans le monde.

 

La rédaction : Nantes va mal. Des commerces ferment et l’insécurité s’est développée en centre-ville.

Quelles seraient selon vous les solutions à mettre en place à Nantes pour éviter la fermeture des commerces et les solutions pour sécuriser ces zones d’activités ?

M.B : Tout d’abord je salue l’engagement des commerçants du centre-ville de Nantes qui font vivre notre cœur de ville ; qui donnent cette vitalité piétonne, commerçante, cette animation qu’on a du centre-ville qui, sans eux, n’existerait pas. 

 

“Les problèmes d’insécurité à Nantes viennent de populations en errance, […] des marginaux qui […] voient Nantes comme une forme de Mecque du zadiste.”

 

Évidemment il y a des problèmes d’insécurité à Nantes, mais d’où viennent-ils ?

Ils viennent de populations en errance, que ce soit des marginaux qui pour beaucoup voient Nantes comme une forme de Mecque du zadiste ; mais aussi de personnes qui ont été majoritairement déboutées de leur demande d’asile ou de leur titre de séjour.

Ils se retrouvent alors sans solution, et même s’ils sont pris en charge par des associations, ils sombrent souvent dans la délinquance et dans les trafics pour subsister.

C’est ça la situation qu’on a à Nantes actuellement.

Il faut évidemment être pragmatique sur l’accueil des migrants qui sont en droit d’être accueillis en France. Je crois que la France s’honore à avoir un droit d’asile qui soit historiquement et traditionnellement noble dans notre pays. 

Seulement, nous devons être fermes avec les gens qui doivent être reconduits à la frontière. L’objectif du centre de rétention administratif qui doit être construit à Nantes, c’est d’améliorer ces reconduites à la frontière.

On constate quotidiennement des trafics de drogue et même d’êtres humains pour ce qui concerne la prostitution. Ces sujets se traitent avec des renforts de police judiciaire et de magistrats.

C’est exactement ce que nous avons commencé à faire en 2022.

On a voté la loi d’orientation du ministère de l’Intérieur qui sacralise 15 milliards d’euros pour davantage de policiers et de gendarmes sur notre territoire.

Puis, on a voté la loi de programmation de la justice qui sacralise 11 milliards d’euros, notamment pour renforcer les effectifs de magistrats et de greffiers.

On s’est battus, avec Sarah El Haïry notamment, pour que Nantes soit mieux dotée.

Par exemple, je vous donne une information : Quant on n’a pas les moyens d’avoir recours à un avocat pour faire valoir ses droits, on a ce qu’on appelle l’Aide Juridictionnelle. 

Avant 2023, les délais d’obtention de l’aide juridictionnelle à Nantes étaient de deux ans.

En 2024, on a fait tomber ce délai à 48 heures. C’est factuel et concret pour le justiciable.

Alors évidemment, celles et ceux qui détestent la France et qui la dénigrent continuellement vous diraient que c’est pas bien, que de toute façon ce n’est jamais bien, mais les résultats sont là.

Les opérations Place Nette ont permis d’arrêter et de condamner des trafiquants, des têtes de réseau ; et donc de limiter ces faits, mais c’est un combat de tous les jours.

Pour continuer la lutte sur Nantes, il faut recruter plus de policiers municipaux, il faut déployer plus de caméras de vidéoprotection pour mieux orienter le travail des policiers municipaux. 

Il faut de la présence policière.

Je propose qu’à Commerce, où à la place d’avoir un espace mobilité qui avait son utilité il y a encore quelques années, mais qui maintenant à l’ère du digital n’en n’a plus forcément ; que soit créé un lieu où on a de la présence policière 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Que ce lieu puisse servir de refuge en cas d’agression ou de sentiment d’insécurité pour toute personne en danger dans l’espace public.

Donc je souhaiterais qu’à Nantes on puisse avoir justement cette permanence de bleu, de police municipale, avec peut-être aussi un accueil par des policiers nationaux lorsque ce serait nécessaire, mais qu’on ait de manière centrale, visible et dissuasive, une présence policière à Commerce et dans tous les lieux qui le nécessiteraient.

 

La rédaction : Les camps de Roms ceinturent l’agglomération nantaise et bien d’autres grandes villes en France sont également concernées.

Des locaux d’entreprises et des parkings sont régulièrement squattés, saccagés, il suffit de prendre l’exemple de la zone Atlantis à Saint-Herblain où plusieurs bâtiments ont été complètement détruits par ces occupants.

Quelle serait selon vous la solution à ces problèmes qui concernent l’ensemble du territoire ?

 

M.B : La question des populations Roms est problématique puisqu’assez souvent la création de bidonvilles est associée à leur installation.

Pas toujours heureusement, mais quand même beaucoup. Notamment chez nous dans la métropole nantaise.

En outre, Nantes métropole concentrerait 25% de la population Roms de France. Ce qui pose des questions, particulièrement avec cette donnée-là.

 

“Les populations Roms concourent à l’économie […] ce sont des gens qui travaillent dur.”

 

Seulement, il se trouve aussi que les populations Roms concourent à l’économie : au maraîchage, aux travaux dans les bâtiments, aux vendanges, à tout un tas d’activités ; parce que ce sont des gens qui travaillent dur pour beaucoup, et qui ont une fiche de paie.

Seulement, ils ont un mode de vie particulier. Parfois, lorsque c’est désorganisé et mal accompagné, cela peut déboucher sur de l’insalubrité.

En conséquence, il faut que les pouvoirs publics, l’État comme les collectivités, accompagnent ces populations, y compris qu’ils les répartissent.

Ça veut dire qu’il faut une stratégie foncière.

Quand on est patron d’une collectivité comme Nantes, il faut prévoir l’accueil de ce type de population.

Je me désole lorsque dans le plan local d’urbanisme métropolitain (PLUM), il n’y ait aucune stratégie de réserve foncière pour ces populations-là.

Dans ce que Johanna Rolland a appelé historiquement l’alliance des territoires, il n’y a jamais eu de réflexion départementale ou intercommunale, au-delà de la métropole sur l’accueil de ces populations-là qui concourent à l’économie de notre région.

Il faut cette programmation, il faut cet accompagnement.

Puis, lorsqu’il y a des troubles à l’ordre public, il faut pouvoir répondre fortement, pénalement ; et confondre les individus qui sont coupables de ces actes-là.

Je ne stigmatise pas particulièrement ces populations, puisque l’immense majorité de ces populations travaillent, vivent leur mode de vie et ne posent pas de problème.

Mais, il peut y avoir des troubles liés à leur installation illégale, ça arrive.

 

La rédaction : À présent, la plupart des entreprises sont digitalisées et utilisent les services de Google. Souvent en gratuit mais régulièrement en payant, notamment pour apparaître sur Google en haut des résultats.

À chaque nouvelle taxe imposée à Google, quel qu’en soit le pays, Google la re-facture à ses clients locaux avec une ligne complémentaire sur leur facture “taxe locale ou service local”.

Les entreprises françaises paient la taxe que devrait payer Google.

Cette taxe payée par les entreprises françaises au bénéfice de l’entreprise américaine augmente le coût du travail et de production dans notre pays, tout en réduisant la rentabilité de ces entreprises.

Que pensez-vous de ce problème ? Comment le résoudre ?

 

M.B : La France a été le fer de lance de la fiscalisation des géants du numérique. Cela a été fait au niveau européen.

 

“La vélocité politique n’est pas du tout la même que la vélocité numérique.”

Nous avons maintenant une fiscalité pour ces entreprises-là qui est très importante et qui rapporte beaucoup d’ailleurs aux comptes de l’État.

Seulement, pour certains de ces acteurs, c’est un artifice puisque c’est effectivement refacturé aux abonnés et aux utilisateurs.

Par conséquent, c’est un mécanisme qu’il va falloir construire, bâtir, en concertation avec eux ; puisque l’objectif, ce n’est pas non plus qu’ils refusent de payer ces impôts. On a des moyens d’y arriver, notamment au niveau de l’Europe,.

Cela ne veut pas forcément dire qu’il n’y aura plus d’augmentation des tarifs de ces services-là, mais en tout cas, de s’assurer que cette fiscalité n’est pas immédiatement répercutée sur les utilisateurs ou sur les clients.

C’est un travail qui commence juste au niveau européen dans la continuité du DSA et du DMA. Ce sera long, simplement parce que nous sommes dans une économie mondialisée. Et, ce n’est pas si simple que ça. 

Ceux qui promettent qu’en un coup de baguette magique ils pourraient y parvenir, ce n’est pas vrai, ce n’est pas la réalité. Il faut y aller intelligemment et pas tout seul, parce que la France toute seule, malheureusement, n’y arrive pas.

L’objectif c’est plutôt d’emmener les 26 pays européens d’union sur une position qui est la nôtre, afin d’arriver avec un bloc européen qui soit cohérent et dispose de suffisamment de poids face à de tels géants.
Je pense qu’on peut y arriver avec l’Allemagne, avec les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie.

On arrive à converger sur ces concepts-là, donc je pense qu’on y arrivera. 

Seulement, il faut effectivement du temps.

La vélocité politique n’est pas du tout la même que la vélocité numérique.

La décision politique est trop longue, surtout quand il faut se concerter avec plusieurs pays. Je comprends l’impatience des chefs d’entreprise et des concitoyens qui disent que les résultats ne sont pas assez rapides.

Sommaire
    Aurore R

    Aurore est journaliste-rédactrice sur les sujets économiques, entreprises et sociaux.